Epopée de Gnomul [First parchemin]

Publié le par Luciiole

............Il est des chances dans la vie qu'il aurait mieux valu laisser passer, loin.
Le mal étant fait, il importe de terminer au plus vite ma tâche pour faire contre mauvaise fortune meilleure fortune.
 
            L'ouvrage que vos mains de propreté probablement douteuse manipulent est né d'une rencontre récente au jour où j'écris ces premières lignes. Je crois que son récit ne se révèle pas superflu, afin d'introduire l'épopée majeure qui nous occupera ensuite.
            L'art des Lettres, tout porteur de distinction qu'il puisse paraître, n'est guère garant de sécurité ni de ventre plein. Je n'ai malheureusement pas d'autre facilité que de tracer lettres et majuscules pour les ignares qui gagnent leur vie sans se préoccuper de savoir écrire.
 
            Attablé à l'Auberge de Todoria, capitale d'Anathor, je surveillais d'un œil l'échauffourée qui naissait à propos d'une partie de carte, quelques tables plus loin, et de l'autre ma bourse, si maigre soit elle. Les dagues ont tôt fait de voler, dans les environs, et on entend les récits de soirées assez meurtrières.
            J'avais rendez-vous le lendemain avec la bibliothécaire de la ville, une elfe de réputation froide et un rien pimbêche ; ceci étant c'est ce qu'on dit de la majorité des elfes. J'espérais tout de même parvenir à me faire embaucher au moins pour quelques menus travaux de classement, de compilation, peut-être. Sinon il me faudrait solliciter un peu mon Dieu et ses sous-fifres de chair surtout, les prêtres n'aiment pas tous écrire. J'en connais quelques uns qui n'ont appris à le faire que pour passer un genre de frontière derrière laquelle le sol semble plus haut.
Sur leurs ouailles illettrées, ils posent un regard contemplatif, semblant se demander ce que ça fait, de ne pas Savoir. Des troubadours en toge.
 
            Le ton de la salle commune de l'auberge ne monta pas plus que d'habitude et je m'apprêtais à gagner ma chambre quand un sourire me rattrapa. L'oeillade qui l'accompagnait aurait pu être flatteuse, si la créature avait été au moins aussi jolie que ridicule. Mais c'était loin d'être le cas.
            Perturbé par cette apparition grotesque, je fis l'erreur de m'arrêter. Aussitôt le gnome, car c'en était un, s'avança vers moi d'une démarche hasardeuse, pressée mais se voulant gracieuse. 
"Bonssoir ?" Le ton interrogatif de l'interpellation semblait nécessiter une réponse, mais plus le gnome approchait et moins j'étais tenté par une quelconque conversation avec lui. Ma politesse instinctive me perdit.
" - Bonsoir,...
 - Les mains blanches ne sont pas courantes dans le coin, je ne résiste jamais à la moindre curiosité, puis-je savoir ce que vous venez chercher à Todoria ?
- J'en déduis que Vous êtes couramment dans le coin vous-même ?
 - Hihi, en effet, l'animation de la grande cité me plaît. J'aime à regarder passer les nombreux voyageurs. Mais vous êtes l'un des plus reluisants depuis longtemps."
            Le compliment, venant s'ajouter à l'étrangeté de la situation m'arracha un éclat de rire. Encouragée, la créature qui m'arrivait au nombril découvrit ses dents gâtées en un sourire effrayant. Je n'ai aucun talent pour la peinture, je me contenterai donc de mes pinceaux habituels pour la décrire.
            Le gnome qui m'accapara ensuite un long moment se prenait avec une conviction absolue pour unE gnome et tenait à ce qu'on s'adresse à elle comme telle. De fait il portait des fripes de femme, n'ayant malheureusement pas le moindre goût et je ne pouvais élire quel tissu bariolé me rebutait le plus.
            Les débordements de couleur ne se limitaient pas à la tenue car la figure de la créature était mâchurée de maquillage grotesque, mettant en valeur les yeux globuleux et l'effrayante bouche rouge vermillon.
 
             Ce n'est qu'au bout de quelques jours que je pu écouter parler Tchumok sans ressentir d'agacement. Elle avait prit l'habitude de susurrer, étant convaincue que son pouvoir aigu de séduction s'en trouvait augmenté. "Sssans plais'anter ?"
            Lors de sa première approche, mon envie de fuir fut seulement stoppée par la curiosité que j'éprouvais pour ses propos, passé le choc de la voix trop aigrelette.
            "C'est comme Il le disait, tout vient à point à qui sait choisir le point." M'étant renseigné sur le "Il", la conversation s'engagea et roula essentiellement sur elle-même, j'apprit ainsi l'essentiel sur Gnomul et l'obsession de Tchumok à son propos dès le premier soir.
 
            Sans m'alarmer des sourires en biais des autres occupants de l'auberge, je souhaitais enfin le bonsoir au gnome et montais m'installer en tâchant de rappeler à moi des souvenirs d'images plus aptes à trouver le sommeil.
 
             J'eus l'occasion de la revoir maintes fois le lendemain. J'apprit ainsi qu'une de ses occupations préférées était de se choisir un galant, consentant mais souvent pas et de s'acharner à rester à ses côtés quand bien même celui-ci en venait pratiquement à lui jeter des pierres.
            Je ne suis pas de nature violente mais il me fallait absolument faire lâcher prise à Tchumok. Je saisis son offre au bond, de tracer d'encre les magnifiques aventures qui occupèrent son Héros, espérant bien ainsi lui laisser dans les mains le manuscrit plutôt qu'un de mes bras. L'avantage est qu'elle affirmait avoir de quoi me payer plutôt largement, ce que je pu vérifier par la suite avec contentement.
 
            Ci lisez vous ainsi l'Histoire et Paroles de Gnomul le Nain, haut personnage de sagesse aussi profonde que les galeries qu'il parcouru en montagne.

Publié dans Epopée de Gnomul

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